Le silence des tam-tams
Quelques enjeux en lien avec ce roman
Parler de trauma,
de stress post-traumatique
et de reconstruction de soi
soulève nécessairement des enjeux de tous ordres.
Un enjeu important: mieux comprendre le comportement d'une personne victime d'un traumatisme:
Le figement
Face à un danger, l'instinct de survie prend en charge la situation, on est alors débranché du cerveau pensant. Si on est incapable de fuir ou de combattre, on fige. C'est une réaction instinctuelle sur laquelle ni la volonté ni le courage n'ont de contrôle.
Comprendre ce phénomène éviterait qu'on fasse porter la responsabilité d'une agression à une victime qui a peu ou pas réagi face à son agresseur parce qu'elle a figé.
La dénonciation
Pourquoi une personne agressée hésitera-t-elle à porter plainte et à entamer des poursuites judiciaires tout de suite après une agression?
Lors d'une agression, l'appel au 911 est un appel urgent à l'aide, une question de survie . Toutefois, lors de cette intervention, bien des victimes refusent de porter plainte formellement contre leur agresseur et de le poursuivre en justice. Ce qui leur importe, rester en vie, arrêter l'agression.
Cette première dénonciation est donc un acte de survie. Pour qu'une victime aille plus loin dans ce processus de dénonciation, elle doit retrouver à la fois sa sécurité physique et la sécurité d'un groupe de soutien.
Sortir de la survie, entrer en résilience et entamer le processus de reconstruction de soi après un trauma prend du temps, parfois des années et demander réparation fait partie de ce processus, la dénonciation devenant alors un acte de pouvoir.
La mémoire traumatique
Un événement traumatisant n'est pas enregistré dans la mémoire sous forme de souvenirs qu'on peut raconter de façon organisée avec un avant, un pendant et un après. Ce sont plutôt les sensations vécues et les émotions qui y sont reliées, qui sont engrammées, pêle-mêle et dans un éternel présent, dans la mémoire traumatique, une mémoire essentiellement sensorielle.
Témoigner contre son agresseur, replonge la victime dans les sensations et émotions vécues lors du trauma. Ce qu'elle racontera paraîtra désorganisé et pourrait affecter la crédibilité qu'un juge porterait à son témoignage s'il ne comprenait pas cet état de fait. D'où l'importance de former toutes les personnes qui ont à soutenir ou à juger les victimes de toutes formes d'agression.
La sensibilité aux déclencheurs
La mémoire traumatique est sensible à tout élément sensoriel pouvant rappeler les sensations et émotions mémorisées lors d'un trauma. Ces déclencheurs replongent la victime dans l'événement comme s'il était actuel.
Par exemple, les séquelles d'un viol pourraient affecter longtemps la santé sexuelle d'une victime, même dans une relation aimante et consentante. Tout se passe dans le corps et les thérapies verbales ont peu d'effets dans un premier temps. On a beau savoir ce qui se passe, comprendre d'où ça vient, en parler, le problème persiste. Être à l'écoute de son corps lors de l'acte sexuel, attentive à l'environnement, l'atmosphère, les gestes qui font revivre le trauma, peu à peu développer la conscience immédiate que ce qu'on vit à l'instant n'a rien à voir avec le trauma passé, est un patient travail de réappropriation du pouvoir sur son corps.
Un changement nécessaire: Le traumatisme affectant toutes les dimensions de l'être, des chercheurs pluridisciplinaires et des approches thérapeutiques plurielles deviennent nécessaires.
Élargir l'aide thérapeutique:
L'aide thérapeutique, plus souvent réservée à la psychiatrie et la psychologie, fait appel à la parole et la pensée logique. Il est de plus en plus évident que d'autres approches qui tiennent compte des autres dimensions de l'être aussi touchées par le trauma doivent être considérées dans l'arsenal thérapeutique.
Souvent, c'est le corps qui prend le fardeau et certains traumatisés n'ont pas de mots pour exprimer leur mal-être. Les thérapies corporelles, énergétiques et l'art-thérapie devraient faire partie de l'aide offerte.
Les traumatismes liées à l'enfance préverbale ne sont pas mémorisés comme des souvenirs, mais sous forme de sensations et émotions. Les approches verbales ne sont d'aucune aide, dans un premier temps.
Des chercheurs pluridisciplinaires
Un constat en cours de recherches et d'écriture de ce roman: les experts ont une connaissance pointue de leur domaine de recherches, mais pour une problématique systémique comme le trauma, on a de plus en plus besoin de chercheurs pluridisciplinaires.
Quand on met en lien tous les domaines de savoirs, ça commence à être intéressant et éclairant.
Plus d'enjeux
On ne trouve, ici, que quelques-uns des enjeux de tous ordres liés aux traumatismes et qui sont en sous-texte dans Le silence des tam-tams. Je les développe dans mon blogue, au fil du temps. Je peux aussi échanger avec vous lors de rencontres.
Quelques exemples
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Comprendre l'amnésie traumatique et pourquoi certaines victimes de violence retournent dans leur milieu de vie toujours et encore agressant.
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L'importance pour une société d'accueil de bien comprendre que les personnes réfugiées portent souvent un bagage de souffrance occultée. Avant d'imposer nos exigences d'intégration, on doit comprendre qu'il y a un temps pour la survie et qu'on doit respecter, avant celui de la résilience.
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L'injonction de résilience entrave le processus de guérison. Par exemple, chez les militaires revenant du front, on célèbre en héros ceux qui sont mutilés physiquement, mais quand c'est l'âme qui est blessée, on se tait. Dans l'armée, la culture de l'homme fort est source de bien des suicides, l'ultime violence comme expression d'un trauma.
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Les secrets et les silences autour de blessures familiales qui favorisent les traumas transgénérationnels.
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Les violences qui se perpétuent d'une génération à l'autre et qui sont source et expression de traumas intergénérationnels.